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Haïti: les aînés sinistrés luttent pour survivre avec peu d'aide

mercredi 26 mai 2010


Par Laura Figueroa (Miami Herald)
lfigueroa@MiamiHerald.com
 
Des mouches bourdonnent autour de sa jambe blessée, et pourtant, malgré ses gémissements pour demander de l'aide, Christiane Carystil, 87 ans, n'arrive pas à attirer l'attention particulière que son cas nécessite.
Même hors des ruines de l'Asile Communale – le principal centre de soins de santé dédié aux personnes âgées de la capitale – le personnel arrive difficilement à s'occuper en particulier chacun des vieillards qui essaient de survivre dans une société post-séisme.
« Ici les besoins sont nombreux, mais le personnel demeure très insuffisant », déclare Andrée Devilas, l'un des travailleurs du centre.
En Haïti, les personnes âgées doivent faire face au fait que l'aide aux sinistrés du séisme ait été pensée principalement pour les enfants et les adultes. Des aînés édentés doivent essayer de mastiquer des biscuits protéinés durs, distribués par les travailleurs humanitaires des Nations Unies, ou manger des céréales à grains entiers, qu'ils ne sont plus en mesure de digérer correctement. « Dans l'urgence de la distribution de l'aide le plus rapidement que possible, ces détails ont malheureusement échappé », avance Cynthia Powell, porte-parole de HelpAge, une organisation internationale qui vient en aide aux personnes âgées, à travers le monde.
Depuis son arrivée en Haïti, peu après le tremblement de terre du 12 janvier, HelpAge a repris une grande partie des tâches quotidiennes à l'Asile Communale, et continue de mobiliser ses efforts pour venir en aide aux personnes âgées logeant dans des camps de tentes de Port-au-Prince, Petit Goave et Léogane.
L'organisation a fourni un appui financier à huit centres de soins de santé, gérés par des églises et abritant 400 aînés, et a mis en place dans les camps des zones de protection regroupant des personnes âgées nécessitant une attention particulière. Elle a également lancé une campagne à la radio pour exhorter les familles de ne pas abandonner leurs parents âgés.
Pourtant, les travailleurs d'HelpAge sont inquiets du fait que, dans un pays où les besoins demeurent si énormes, que les personnes âgées continuent d'être négligés.
« On nous a signalé des cas d'abandon des personnes âgées dans les camps » regrette Rosaleen Cunningham, porte-parole de HelpAge. « Des préoccupations ont également été soulevées à propos des personnes âgées à risques accrus et incapables de protéger leurs biens et elles-mêmes.»
À l'Asile Communal, Clairevana Desbrosses, 87 ans, exhibe une bouteille à demi remplie d'un liquide ambré, sorte de médicament pour atténuer ses douleurs fulgurantes qu’elle ressent dans son abdomen. Face à la pénurie de médicaments, elle a peur qu'on lui  vole sa bouteille dans un moment d'inattention.
« Je ne me porte pas bien » crie-t-elle à plusieurs reprises.
Elle fait partie du nombre de 42 pensionnaires du foyer de soins, forcés de loger à l'extérieur du centre, à la suite de l’effondrement de l'un des deux dortoirs principaux. Plus de 90 résidents partagent le même espace que 100 familles qui ont établi leur camp sur la pelouse du centre de soins.
Des enfants jouent autour de la pelouse boueuse, non loin des aînés, alignés nus, baignés par des préposés aux soins infirmiers avec des seaux d'eau froide.
Dès le début, HelpAge avait payé des hommes pour servir de gardes de sécurité à plusieurs résidents qui se plaignait que des membres de gangs « allaient dans leurs tentes pour voler le peu de nourriture qu'ils possédaient.»
 « La meilleure option pour les résidents serait leur relocalisation le plus vite possible » estime Cunningham, « mais le maire n'a donné son accord à aucun des plans proposés. »
Pour l'instant, HelpAge a embauché un médecin pour assurer des soins continus au centre, et travaille à transformer le premier étage d'une clinique en un espace de soins gériatriques avec salle de 25 lits.
Alors que les personnes âgées vivant dans des foyers bénéficient de l’aide de travailleurs qui prennent soin d'eux, des milliers de personnes âgées tentent de survivre dans les camps de tentes. Près de 200.000 personnes de plus de 60 ans sont désormais sans abri, selon les chiffres recueillis par HelpAge.
Bon nombre d'aînés comptent sur la générosité des voisins ou sur la débrouillardise d’enfants et de petits-enfants pour obtenir de la nourriture et des soins médicaux.
« Parfois, mes voisins me donnent quelques grains de maïs » explique Dilianne Charles, 90 ans, à l'intérieur de sa tente dans le parc Sainte-Thérèse à Pétionville.
Alors que les enfants courent à travers les camps, jouant au saut à la corde ou au football, de nombreuses personnes âgées, comme Charles, disent quitter rarement leurs tentes.
« A mon âge, c'est difficile de rester au soleil », dit Charles. « Que puis-je faire ? Il n'y a rien d’autres à faire, que de rester assis ici et de ne pas gaspiller mon énergie.  Je me dit sans cesse que je suis en vie pour une raison. »
Frézelia Cetoute, 109 ans, était l’un des résidents les plus âgés du camp du parc Sainte-Thérèse. Elle a été depuis transportée à son domicile, l'une des maisons chanceuses qui ont été déclarées suffisamment sûres pour accueillir leurs occupants. 
Pourtant, tout en vivant dans le camp de tentes, Cetoute a essayé de rester attentif à son environnement, en dépit de sa cécité.
« Ecouter les enfants jouer m’avait rendue heureuse » avait-elle déclaré un de ces jours. « Cela me permettait de savoir que la vie continue.»
Cetoute vivait sous une tente de fortune construite à partir de bâches grises et feuilles à motifs floraux, en compagnie de sa fille de 66 ans, de sa petite-fille de 17 ans et de ses deux nièces, de 8 et 9 ans.

Grâce à l'argent envoyé par des parents résidant à Miami et à New York, les trois générations de femmes vivaient d’aliments mous, faciles à manger pour Cetoute, tels que les pommes de terre et les bananes.
Cetoute souvent s'inquiéta de ne pas pouvoir se promener dans le parc bondé.  Alors elle passait la majeure partie de ses journées égrenant son chapelet noir, priant installée dans une chaise de jardin qui lui servait aussi de lit.
« Je ne fait qu’attendre », soupire Cetoute. « Si je peux survivre à ce tremblement de terre, qui sait à quoi d’autre je pourrai survivre ? »

Traduite de l'anglais par Claudel Victor

 
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