Jill Stein et Gary Johnson peuvent
s'estimer heureux. Ils ont eu droit à un deuxième débat pour faire
entendre leurs idées mardi. Le premier s'est tenu le 23 octobre dernier à
Chicago. Diffusé sur C-SPAN -la chaîne parlementaire- et modéré par
l'ancien présentateur vedette de CNN Larry King, il leur a permis
d'exister médiatiquement le temps d'une soirée.
Se présenter à l'élection
présidentielle américaine sans l'étiquette démocrate ou républicaine
revient le plus souvent à se battre contre des moulins à vent et
pourtant, ils sont quatre cette année à pouvoir théoriquement accéder à
la Maison-Blanche. Aux côtés de Jill Stein, candidate du « Green Party
», et Gary Johnson, candidat libertarien, Virgil Goode et Rocky Anderson
représentent respectivement le parti de la Constitution et le parti de
la Justice.
Ross Perot comme modèle
Leur plus grand défi est d'abord de
se faire connaître. Les médias américains ne parlent quasiment jamais
d'eux et peu d'électeurs savent qu'une autre offre existe en dehors de
Barack Obama et Mitt Romney. « Je suis actuellement à 5% dans les
sondages au niveau national, soutient Gary Johnson. Est-ce que l’on
entend mon nom cinq fois lorsque l’on entend le nom d’Obama
quarante-cinq fois ? Non ! On n’entend jamais mon nom ! Or s’il était
mentionné cinq fois à chaque fois que le nom d’Obama ou de Romney était
mentionné quarante-cinq fois, je serais le prochain président des
États-Unis. »
L'ancien gouverneur du Nouveau
Mexique, qui soutient notamment la légalisation du cannabis et un
retrait immédiat des troupes présentes en Afghanistan, a certainement en
mémoire le parcours de Ross Perot. Ce candidat indépendant avait réussi
à obtenir 19% des votes en 1992, une performance en partie dûe à sa
participation aux trois débats avec George Bush et Bill Clinton. Mais
depuis 20 ans, plus aucun autre candidat que ceux des deux principaux
partis n'ont pu participer aux débats présidentiels. Le bipartisme
américain repose sur de solides fondations et rien ne semble pouvoir
l'ébranler.
Victimes des lois et du vote utile
« Il est très difficile pour les
candidats indépendants aux États-Unis de réussir à attirer les
électeurs, notamment en raison des lois qui protègent les deux
principaux partis et rendent la tâche difficile pour les autres,
explique John Mark Hansen, professeur de sciences politiques à
l'Université de Chicago. Si vous êtes un candidat d’un autre parti, vous
devez vous qualifier dans chacun des 50 États un par un, et ceux-ci ont
des règles d’accès qui sont plus ou moins strictes. Et même lorsque
leur nom est sur le bulletin, ces candidats sont souvent victimes du
vote utile. »
Les défenseurs du multipartisme font
aussi valoir qu'une grande partie des citoyens américains ne trouve pas
son compte avec un choix réduit à deux options. En 2008, la
participation à l'élection présidentielle a été la plus forte depuis
1968, mais ne s'est élevée qu'à 57 % chez les personnes en âge de voter.
Au total, près de 100 millions d'Américains ne se sont pas exprimés. «
Presque un électeur potentiel sur deux ne se considère pas comme
appartenant à ces deux grands partis, juge Jill Stein, qui veut voir
adopter un « Green New Deal » pour relancer l'économie du pays en créant
des emplois verts. Donc ils ont beau nous appeler 'petits candidats',
on représente en fait beaucoup de monde car 90 millions de personnes ne
veulent pas voter pour ces deux grands partis. »
Christina Tobin, la fondatrice de la
fondation Free & Equal à l'origine des débats organisés à Chicago et
Washington, veut croire au changement. « Avec ces débats, nous
informons les gens que d’autres discours et d’autres choix existent sur
la scène politique, dit-elle. En permettant à de nombreux candidats
indépendants de se lancer au niveau local lors des élections de 2014, on
pourra avoir des candidats qui représentent vraiment le peuple en 2016.
Pour moi, l’élection de cette année est truquée. Je préfère penser à
2016 et voir la lumière au bout du tunnel. » Un optimisme que ne
partagent toutefois pas la plupart des politologues.